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Le « True Peak » (TP) ou « Crête Vraie », noté aussi « Intersample Peaks » (ISP), est une réalité qui n’est pas toujours bien comprise aujourd’hui dans le monde de la Production Musicale. Depuis l’émergence des plateformes de Streaming qui ont adopté la Normalisation du Loudness (Loudness Normalization) et des pratiques amateures « Home Studio » devenues très courantes, le sujet du True Peak revient en force, malgré qu’il ait toujours existé depuis l’éclosion de l’audionumérique à travers le support CD qui s’impose dès 1982. C’est en Audio Mastering que le True Peak prend son unique place, c’est à dire lors de la finalisation d’un projet Audio avant qu’il ne soit soumis dans le marché dans sa forme audionumérique.
Le "True Peak" c'est quoi ?
Dans un fichier audio le True Peak désigne la représentation des niveaux continus quand ils dépassent la valeur d’échantillons voisins. Il représente le niveau analogique maximum et réel qui est interprété entre 2 échantillons successifs lors de la conversion du signal numérique en signal analogique :
Figure 1 : Analyse d’un fichier audionumérique. Sur la sélection. En jaune : niveaux True Peak (TP) crées par deux échantillons successifs possédant des valeurs proches du maximum numérique (le Full Scale / 0dBFS). Sur l’ensemble du morceau analysé : sur le canal de gauche (en haut) le niveau TP atteint +0.77dBFS, sur le canal de droite (en bas) le niveau TP atteint +0.60dBFS. Le logiciel indique 17 valeurs TP sur le canal de gauche, et 14 valeurs TP sur le canal de droite.
En gris clair : nous observons aussi des niveaux True Peak sur les 2 canaux, mais ceux-ci n’ont aucune incidence car leur niveau est compris dans l’échelle Full Scale. (logiciel: iZotope RX)
Les True Peaks désignent donc une forme de niveau maximal se situant entre des échantillons mais ces valeurs ne renseignent pas sur le niveau global du son enregistré. En effet, une autre forme de niveau représente l’intensité sonore perçue par notre système auditif : le « volume RMS » (cf Figure 1 : Total RMS level). Noté aussi « Volume Moyen » il indique la valeur globale et théorique de l’intensité du signal que l’oreille discerne. Nous ne pouvons pas entendre les sons tels qu’ils apparaissent « en valeurs maximales » de la forme d’onde. L’ensemble des sons mixés dans un enregistrement sonore nous laisse une impression de niveau, le « Loudness » (ou Sonie) qui se caractérise donc par cette valeur RMS. Aujourd’hui les studios utilisent une méthode plus élaborée et plus récente qui donne des valeurs assez proches du RMS mais dont l’algorithme de calcul tient compte du fonctionnement de l’oreille humaine en fonction des fréquences et des intensités perçues sur l’ensemble d’un morceau. Il s’agit du « Loudness Intégré » (cf Figure1 : Integrated BS.1770 Loudness). Il est établi par l’ITU dont les premiers travaux sont publiés en 2006 sous la référence « ITU-R BS.1770 ». Depuis, les travaux de recherches sur l’algorithme évoluent afin d’accroitre la précision de la mesure du Loudness mais également de celle du True Peak.
Dans le domaine de la production le True Peak concerne n’importe quel fichier audionumérique qui est codé selon le procédé de base le plus utilisé dans l’Audio: le PCM (Pulse Code Modulation) qui se trouve sous l’extension .wav, .aiff ou .bwf afin d’être lu via un système qui décode les données numériques vers des haut-parleurs. Selon la qualité du système de lecture ce fichier sera donc restitué plus ou moins fidèlement dans la manière où l’artiste, le Producteur, l’ingénieur du Son l’a créé.
Des conséquences "True Peak" défavorables
Quand les valeurs True Peak dépassent certains seuils de niveaux et selon les différents cas d’usage qui se présentent comme nous allons le voir, la conséquence peut être problématique au moment de l’utilisation du fichier.
La surcharge du DAC (CNA): le True Peak rebelle
Cette notion de True Peak est importante à comprendre car elle peut engendrer de mauvaises conséquences au moment la lecture de la musique quand celle-ci provient d’un format numérique. Aujourd’hui avant d’envoyer les Masters sur le marché, les valeurs True Peak sont évaluées et parfois contrôlées par les ingé-sons des studios qui réalisent le Mastering du projet musical. Au moment de finaliser les derniers traitements numériques du signal sur la musique qu’on leur confie (les mixages) ils sont capables d’ajuster correctement ces niveaux de transition « numérique vers analogique » afin d’éviter toute forme de distorsion audible qui pourrait apparaitre à travers les systèmes de lecture des utilisateurs.
Dans n’importe quel fichier audio dans lequel une musique est enregistré, tous les échantillons du signal sont légitimes car ils demeurent obligatoirement définis dans la zone des valeurs numériques autorisées dans l’échelle numérique, dans la partie positive du signal et dans la partie négative du signal, donc en dessous du 0dB Full Scale des deux côtés de la Forme d’Onde (waveform), Cf Figure 2:
Figure 2
Afin d’être entendu au moyen de transducteurs (hauts parleurs ou casques), tout signal audionumérique subit une conversion « numérique vers analogique » au moment de la lecture. Le circuit électronique complexe et responsable de ce passage de domaine se nomme un DAC (Digital to Analog Converter) encore noté CNA (Convertisseur Numérique vers Analogique).
Dans un cas précis, si la représentation analogique dépasse le niveau correspondant au maximum numérique (0dBFS) à gauche ou à droite dans une partie positive ou négative du signal, le convertisseur DAC écrête (clippe) à cet endroit. En effet, le DAC se voit chargé de reproduire un niveau analogique dont l’équivalent numérique n’existe pas. Une forme de distorsion ponctuelle se crée en se mélangeant au reste du signal « normalement reconstruit ». Habituellement cette distorsion n’est pas intentionnelle. Elle ne fait en principe pas partie des souhaits de l’artiste, du producteur, ou du technicien en charge de produire le Master.
D’où, en théorie, l’importance de créer des Masters atteignant des niveaux True Peak contrôlés afin que les DACs puissent traduire des niveaux continus sans distorsion.
Sauf qu’en pratique, c’est selon la qualité des systèmes de reproduction sonore, en l’occurrence la performance des DAC, que cette distorsion est plus ou moins importante et donc plus ou moins audible. C’est au travers des DAC « bas de gamme » que la distorsion engendrée est la plus grande. Et à l’inverse, sur les systèmes professionnels ou audiophiles les plus aboutis, cette distorsion est inaudible grâce à l’utilisation de DACs plus performants.
Figure 3: Le signal audionumérique PCM est envoyé sur le DAC pour être converti en signal éléctrique analogique qui par définition forme un signal continu. Ce signal est ensuite amplifié pour être transmis jusqu’au Hauts Parleurs.
Tous les DAC ne se valent jamais car leur conception peut être très différente les unes des autres: pour un fabriquant il existe plusieurs méthodes liées aux technologies et aux astuces d’ingénierie pour élaborer un DAC. Egalement la qualité des composants électroniques choisis peut énormément varier d’un modèle à un autre. Pour se donner une idée du marché dans le domaine de la Hi-Fi on trouve des DACs externes à 15€ comme 1er prix (Figure a). Fort heureusement il existe des DACs plus élaborés valant quelques centaines d’euros (exemple à moins de 200€ Figure b). Les prix peuvent grimper jusqu’à plusieurs milliers d’euros (FIgure c et d) donc pour cette « seule » fonction de convertir à la volée deux signaux audionumériques (gauche et droite) en deux signaux analogiques correspondants.
a. DAC portable d’entrée de gamme, Jade Audio JA11, source Son-Video.com
b. DAC standard Topping Audio DX3Pro+, source Topping Audio
c. DAC audiophile Atoll DAC300, source cta-hifi.com
d. DAC Haut de gamme McIntosh MDA200, source Elecson
Les codecs Lossy
Lors d’une conversion Lossy d’un format PCM vers un format « avec perte » (comme par exemple le mp3, l’AAC, l’Ogg…) des niveaux trop forts du signal surchargent les encodeurs. En effet, les algorithmes qui constituent les codecs, donc en particulier les encodeurs dans notre cas illustré (Figure 4), ont besoin de « marge » (headroom) pour fonctionner correctement afin de convertir les données. Quand le signal d’entrée de l’encodeur est trop fort celui-ci sature et il génère donc une distorsion propre qui se mélange au signal, ce qu’il convient d’éviter. Attention ces niveaux discutés représentent des niveaux d’échantillons (Sample Peak levels) et non des niveaux True Peaks puisque l’opération de codage demeure entièrement dans le domaine numérique. En studio il s’agit de trouver la meilleure solution « de niveau global et final » pour éviter d’engendrer ce type de distorsion causé par les niveaux les plus hauts du signal.
Figure 4: Encodage .wav vers un format Lossy. Si le niveau du signal d’entrée est trop fort, l’étage d’entrée de l’encodeur sature et laisse apparaître une forme de distorsion qui se rajoute au signal converti.
Il existe des outils professionnels qui permettent d’ajuster le niveau du signal à encoder en fonction du Codec et du Débit Binaire choisis. En effet tous les Codecs ne se valent pas: pour une même surcharge de signal certains Codecs génèreront moins de distorsion que d’autres, et le résultat est aussi très dépendant du Débit Binaire considéré (le Bitrate). Effectivement, plus le bitrate est élevé, moins le signal subit de dégradation et moins la quantité de distorsion émergera au moment des surcharges. Comme exemple d’outil nous avons le Fraunhaufer Pro-Codec (Sonnox),
Le codage Lossy concerne les plateformes qui proposent leur catalogue en format « avec perte » (Spotify, Soundcloud…), mais il concerne aussi toutes les transformations réalisées indépendamment des plateformes quand par exemple on converti de chez soi un fichier .wav en fichier .mp3.
Les Recommandations True Peak Max
Les recommandations des valeurs maximum True Peak d’un signal audio ont été établies à -1dBTP par l’EBU en 2010 pour l’audio « Broadcast et Mixage TV » (EBU R 128). Puis, avec l’avènement du Loudness Normalization, les plateformes de Streaming recommandent ce même niveau. Sauf dans le cas de Spotify en 2023 qui recommande la valeur de -2dBTP si les titres masterisés dépassent la valeur « Loudness Intégrée » imposée de -14LUFS. En effet Spotify est aujourd’hui encore une des seules plateformes de Streaming qui délivre l’audio codé « avec perte » (format Lossy Ogg Vorbis au bitrate entre 160 et 320kbps selon les abonnements), il faudrait donc rajouter une marge de sécurité supplémentaire de -1dBTP pour que le signal ne surcharge pas l’encodeur au moment de la conversion que la plateforme fourni.
Figure 5: Exemple d’un master: on lit une valeur True Peak Max qui atteint -1dBTP conformément à la recommandation EBU R 128. Ce qui représente pour le fichier une marge de niveau (Headroom) de 1dB évaluée entre les niveau maximum du signal et le maximum numérique (0dBFS).
En revanche, notez que le contrairement au domaine du Broadcast pour lequel les niveaux maximum établis sont réellement appliqués, dans l’Industrie de la Musique il n’existe aucune règle ni aucune obligation. Aucun organisme ni dispositif refusera un Master si son niveau True Peak est trop élevé. Aujourd’hui pour le domaine de l’Industrie de la musique on parle de «recommandations » au sens premier du terme qui selon les cas ne sont pas toujours suivies.
Le constat "True Peak" selon les genres
Le cas des musiques dynamiques
La présence de valeurs « TP » occasionnelles et dont l’amplitude demeure faible (par exemple : 3 ou 4 valeurs TP @+0.3dBFS dans l’ensemble du morceau) ne présente pas de difficulté, puisque la distorsion engendrée durant le décodage / DAC demeure soit très faible, soit très ponctuelle et donc dans les deux cas elle passerait inaperçue. On peut aussi trouver des albums pour lesquels seuls 1 ou 2 titres sur un ensemble de + de 10 titres comportent quelques True Peaks qui peuvent être gênants, donc en particulier lors de la lecture via des convertisseurs DAC très courants, donc non performants.
Dans l’exemple du morceau suivant de musique Classique nous notons 15 valeurs True Peak sur le canal de droite. Celles-ci sont concentrées dans une région entre 2:35.569 et 2:35.584 soit dans un intervalle très court de 15 centièmes de secondes. Donc à cet endroit et selon la qualité du DAC utilisé, l’oreille pourrait distinguer une distorsion générale qui englobe les 15 valeurs TP à la fois.
Sur cet album très réussi de 18 titres, seuls deux d’entre eux posent un problème True Peak dépassant le 0dBFS, qui n’a pas été considéré pendant le Mastering.
Figure 6: Vivaldi Concerto l’Inverno n.4 Allegro – Le Quattro Stagioni – Interpreti Veneziani (Cd-Audio, In Venice Sound, 2013).
La Guerre des Volumes comme point de départ
Aujourd’hui il n’est pas rare que des productions musicales se masterisent sans tenir compte de ces niveaux True Peak ou bien que la présence des True Peaks dépassant le 0dBFS soit encore élevé. Le sujet de la « Guerre des Volumes » à son apogée dans les années 2000 est plus ancien que la mise en place des outils pour les contrôler dans les studios. Les conséquences de la Guerre des Volumes à cette époque étaient néfastes car le phénomène poussait les studios du Monde entier à tirer parti des technologies pour augmenter le + possible l’amplitude du signal gravé dans le fichier, et donc d’engendrer des valeurs True Peak très importantes (Figure 7 et 8) :
Figure 7. Analyse: Red Hot Chili Peppers_Parallel Universe (Album « Californication », Warner,1999)
Figure 8. Analyse : Iron Maiden_Ghost of the navigator (Album « Brave New World », Emi, 2000)
Figure 9. Analyse : Madonna_Let it will be (Album « Confessions on a dance floor », Warner Bros, 2005)
L'héritage de la Loudness War: l'Affirmation des Codes Mainstream
Aujourd’hui si la tendance depuis les 15 dernières années a été de produire des musiques plus dynamiques qu’avant, il n’en reste pas moins que certains genres de musique persistent à être produit très fort, même si le « Loudness Normalization » perdure. Dans ce cas, ceci grâce à la technologie numérique qui s’accroit continuellement, les valeurs du Loudness peuvent malgré tout et selon les artistes largement dépasser celles d’il y a 20 ans.
Cette Guerre des Volumes n’est pas sans conséquences dans le domaine de la créativité puisque 10 ans d’influence a fini par créer des codes au sein des genres et la distorsion engendrée dans les productions sonores fait parfois bel et bien partie d’un héritage artistique revendiqué. En effet, les producteurs des musiques Pop, Electro, Urbaines et Rock persistent souvent à dire que le Loudness doit vivre avec son temps, qu’il doit faire partie de cet héritage culturel pour lequel la distorsion peut faire partie de l’art comme forme d’expression.
Figure 10 : Skrillex _Ragga Bomb (Album « Recess », Owsla/Big Beat Records, 2014). Sur cet exemple comme dans de très nombreux cas en musique Pop (ou autres) on compte 56 012 True Peaks sur le seul canal de gauche, le plus élevé atteint +3.58dB ce qui est énorme.
Le True Peak ignoré dans le "Loudness Intégré"
Dans les années 2010 le « Loudness Normalization » a été mis en place dès l’essor des plateformes de Streaming. C’est grâce à l’élan mené par l’EBU qui dès 2010 comptait uniformiser le niveau des programmes diffusés dans le Broadcast. De la même manière l’objectif des plateformes visait de réduire les écarts de niveau au sein des playlists puisque les musiques ne sont jamais masterisées avec le même niveau de « Loudness »: Aucune règle imposant des valeurs de « niveaux » n’a jamais existé dans le domaine de l’enregistrement sonore. Des musiques sont ainsi créées plus fortes que d’autres. Donc dans un soucis de confort d’écoute, grâce à cette option de « Normalisation du Loudness » qui baisse le gain des musiques « fortes », toutes les musiques en Streaming sont jouées à peu près « au même niveau » et ce, quelque soit les valeurs ISP même si elles dépassent le 0dBFS.
De surcroît cette pratique ambitionnait de mettre fin à la Guerre des Volumes. En effet un Master possédant un Loudness « trop fort » est d’autant plus baissé que son Loudness est fort. Plus sa valeur de « Loudness Intégrée » est élevée, plus la réduction de gain qu’il subit est importante. Cette baisse de niveau atteint une valeur « cible » qui est définie par la plateforme. De cette façon on décourage donc la pratique de produire de la musique avec un niveau de « Loudness » trop élevé.
Pourtant la notion de True Peak est complétement ignorée dans le calcul du « Loudness Intégré » : le Loudness défini par l’ITU n’intègre pas l’existence des ISP. Par conséquent la « Normalisation du Loudness » n’en tient pas compte. Donc au moment du Mastering, le contrôle des valeurs True Peak n’a aucune conséquence sur « uniformisation du gain » au sein des plateformes. Néanmoins compte tenu des distorsions engendrées par des valeurs True Peak excessives lors de la lecture du signal dans les systèmes de lecture courants ou de mauvaise qualité, le Loudness perçu est en principe impacté, même si le Loudness Intégré ne tient pas compte des valeurs True Peak. En effet, une distorsion ajoutée à un signal augmente forcément la quantité du Loudness perçue: dans ces conditions nous percevons le signal « plus fort ».
La gestion du True Peak
Le True Peak aujourd'hui n'est pas toujours une simple formalité
Le Mastering a pour finalité de bonifier le message artistique et de rendre l’ensemble du projet cohérent et compétitif. Il a aussi comme objectif de livrer des Masters qui ont l’avantage d’être correctement traduits sur toutes les gammes de systèmes d’écoute. Du système de reproduction courant au système le plus performant. Les studios de Mastering œuvrent pour garantir cela avec entre autre le contrôle des niveaux True Peak. L’expertise des ingénieurs du son dont la spécialité est le Audio Mastering, repose sur l’élaboration d’un vrai travail de traitement du signal afin d’améliorer le rendu des sons qu’on leur confie et pour lequel ils sont largement sollicités.
Aujourd’hui tous les programmes audionumériques permettent de visualiser les niveaux True Peak maximum d’un signal. Dans le cas où nous jugeons important de créer un headroom de -1dBTP sur les masters, nous utilisons des Limiteurs de type Brickwall qui possèdent une fonction de détection True Peak. Dans ce cas de figure et quand cette fonction est enclenchée le limiteur détecte ainsi tous les niveaux (niveaux des échantillons et niveaux ISP) et réduit le signal en conséquence, dès qu’il dépasse le seuil déterminé par l’utilisateur. De cette sorte on garanti un signal exempt de niveaux TP qui seraient problématiques lors de la conversion DAC. Cependant l’activation de cette fonction sur le limiteur n’est pas toujours sans effets secondaires dans le son. Avec le mode TP engagé certains limiteurs colorent le signal d’une certaine façon. Alors que d’autres limiteurs se comportent de manière beaucoup plus transparente. Mais la coloration du signal peut, comme par l’utilisation de n’importe quel autre outil de traitement, demeurer intéressante selon l’intention recherchée. Tout travail de Mastering professionnel est basée sur des intentions de transformation du signal perçu, et les choix se basent sur les spécificités du signal tel qui se présente. Dans le cas où le « True Peak Limiting » s’avère appauvrir le signal, nous cherchons d’autres solutions: on utilise un autre limiteur ou d’autres outils qui donneront de meilleurs résultats en fonction du signal considéré. On peut aussi ignorer la fonction True Peak et ajuster le niveau des Masters en contrôlant visuellement les niveaux à l’aide d’un mètre True Peak dédié.
Figure 11: Exemple avec l’excellent Limiteur Brickwall « Invisible Limiter G3 » (A.O.M) qui contrôle les niveaux True Peaks après la section Limiting du plugin de sorte qu’ils ne dépassent pas la valeur définie par l’utilisateur. Ici cette valeur est représentée par le « Threshold » fixé à -1.00dB(FS). Dans cet exemple en cliquant sur « True Peak Aware » on a donc une garantie qu’aucun ISP ne dépasse -1dBFS. On note donc le niveau maximal du signal « -1dBTP ».
Figure 12: Exemple avec le Limiteur Brickwall de la suite Ozone (iZotope) sur lequel le gain d’entée est fixé à +10dB. La fonction « True Peak » a été enclenchée en bas à gauche. Le niveau de sortie du plugin « Output Level » est fixé à -1.00dB, ce qui signifie qu’en sortie du plugin les niveaux True Peaks maximums du signal atteignent -1.00dB (-1dBTP).
Figure 13: Autre exemple avec le Limiteur Brickwall TDR Audio « Limiter 6 GE ». Configuration identique: Gain@+10dB, Seuil@-1dB configuré en détection True Peak et non simplement « PCM » qu’on peut apercevoir sous « True Peak » au milieu. On peut lire sur le mètre en bas à droite que le niveau du signal atteint jusqu’à -1.0dBTP.
Figure 14: Exemple de mètre « True Peak » avec le plugin Mastercheck de Nugen Audio. Cet outil ne transforme pas le signal, il ne sert qu’à visualiser les niveaux du signal.
Figure 15: Autre exemple pour la configuration des mètres en « True Peak » sur la réglages d’Ozone (iZotope).
Pour un signal donné les plugins affichant la mesure des ISP ne présentent pas toujours les mêmes valeurs: elles peuvent être légèrement différentes. Ceci est principalement dû au choix de sous-algorithmes de calculs comme par exemple des fonctions de suréchantillonnage (oversampling) qui ne présentent pas toujours les mêmes caractéristiques. Ainsi qu’aux différentes mises à jour du programme de mesure établi par l’ITU. Le programme de calcul des True Peak est notamment basé sur des techniques d’oversampling et de filtrage (filtre de lissage) démontrées par l’ITU dans la dernière version de Novembre 2023: ITU-R BS.1770-5. Cependant les méthodes de calcul des ISP n’ont pas évolué depuis la version 3 du document aboutissant aux recherches de la société, sorti en Août 2012: ITU-R BS.1770-3.
Le True Peak "avant": d'inutile à problématique
Même si le contrôle des niveaux True Peak demeure une pratique courante en Mastering professionnel, ce n’était pas le cas avant les années 2010, car nous n’avions pas les moyens suffisants pour les mesurer précisément ni de pouvoir les contrôler de manière efficace. Aussi, les habitudes liées à la Guerre des Volumes ont ralenti la volonté de remise en question des conséquences de ces True Peak.
Dès l’arrivée du CD-Audio (1982) les niveaux gravés étaient très inférieurs à ceux pratiqués à la fin des années ’90. A l’époque on ne se souciait jamais de des valeurs ISP. En effet, globalement sur un CD produit entre 1982 et 1990 les niveaux de crête les plus hauts se situaient à plusieurs dBs du Full Scale, rendant impossible les surcharges des DACs de l’époque. Dans les années 1980/1990 on parle de « l’âge d’Or du CD ». Il est bon de rappeler que le Cd-Audio fut le premier format audionumérique créé, la notion de True Peak naissait à ce moment là mais ses conséquences se sont donc posées que 15 ans plus tard.
Figure 14: Analyse de Rosanna de l’artiste Toto. Version originale de l’album CD Toto IV, non remasterisée, Columbia records, 1982. Les True Peaks les plus hauts ne dépassent pas -2.19dBFS ce qui laisse un Headroom conséquent et évite ainsi de surcharger tout DAC. Cela permet aussi de directement générer des formats Lossy de meilleure qualité.
Le paradoxe de la technologie
Aujourd’hui étant donné la facilité d’accès à la musique de façon nomade, en particulier avec l’utilisation des smartphones connectés, la consommation de la musique s’est largement détériorée puisque dans ces conditions nous ne sommes plus capables de pouvoir apprécier la musique dans sa juste valeur. En effet, à travers un objet de la taille d’une main, tout le système audio est contenu: le lecteur audionumérique (le « Player »), le DAC, l’amplification et le(s) haut-parleur(s). Le système est minimisé pour réduire le coût de production. Par conséquent le DAC et les Haut Parleurs d’un Smartphone demeurent obligatoirement de piètre performance. A moins d’utiliser son Smartphone pour l’utilisation du Player et de router le signal audionumérique sur un DAC externe décent, cette technologie nomade ne peut restituer la musique de manière qualitative.
Malgré la qualité de la musique enregistrée dans le cas d’une production exemplaire et d’un format de fichier de type PCM (Lossless), avec son téléphone on perçoit donc une musique dénuée de toutes ses qualités pourtant présentes dans le fichier « sans pertes ». Sa réponse fréquentielle étendue, sa dynamique et la notion d’espace que le cerveau restitue quand on se place dans les conditions prévues: devant une paire d’enceintes. En utilisant un Smartphone pour écouter de la musique la réponse fréquentielle et la dynamique sont étriquées à cause de la faible performance du DAC et de la taille des Haut Parleurs. De plus en utilisant le Haut Parleur du téléphone la notion d’espace disparaît complètement puisque le sujet ne dispose pas de l’effet stéréophonique produit par une paire de transducteurs.
Force est de constater qu’aujourd’hui les systèmes Hi-Fi ne sont plus autant utilisés qu’à l’époque du Cd, et que les systèmes performants sont souvent inaccessibles pour la plupart des personnes. Pourtant les avancées en terme de technologie sont bien réelles, aujourd’hui nous savons construire mieux que jamais de biens meilleurs DAC, amplis et Haut Parleurs. Que penser de l’avenir de la consommation de la musique quand Mark Zuckerberg le PDG de Meta prédit l’extinction proche des smartphones en introduisant des lunettes permettant les mêmes fonctions ?
Devant ces considérations technologiques le critère de l’aspect qualitatif d’un DAC est invariable puisque le signal audionumérique s’écoute obligatoirement par son intermédiaire. Par conséquent le sujet du True Peak restera d’actualité pour l’auditeur « lambda » si ses habitudes et les moyens qu’il utilise n’évoluent pas.
Conclusion
Le True Peak devrait susciter une certaine forme de prudence au moment du Mastering puisqu’il peut engendrer une forme de distorsion audible à travers les systèmes utilisateurs courants et que cette distorsion n’est en principe pas désirée. Cette réalité reste entièrement consciente en milieu professionnel. Mais selon la diversité des genres de musiques qui ne sont pas tous rattachés au code hérité concernant le volume enregistré perçu, il est cependant légitime que les musiques Mainstream trouvent leur place dans leur choix artistique.
En Mastering Audio nous sommes soucieux de livrer une musique répondant aux codes existants selon les genres tout en restant compétitif. Ce n’est jamais la notion « True Peak » qui détermine la qualité d’un Master. La réussite d’un mastering repose sur la recherche de l’ensemble des traitements engagés dans une perspective intentionnelle et personnelle qui demande beaucoup d’expérience. Cette recherche abouti à un véritable accomplissement mené de front par l’ingé-son Mastering. Avec son expertise celui-ci œuvre pour améliorer la perception du signal, tout en s’adaptant à l’art et aux exigences du Marché.
Un master qui « sonne fort » n’est pas forcément un mauvais master. Il peut parfaitement bonifier le mixage tout en représentant le genre. Inversement un Master qui répond aux strictes recommandations de la valeur maximale du True Peak à ne pas dépasser n’est pas forcément meilleur, ce simple critère n’est clairement pas suffisant.
Dans la société actuelle la majorité des auditeurs utilisent des systèmes médiocres qui empêchent de restituer correctement les qualités que renferme la musique produite dans les studios. En particulier ces mêmes systèmes sont parfaitement incapables de gérer des niveaux True Peak dépassant un certain seuil, ils sont donc inappropriés. En termes de système d’écoute, nous devrions peut-être commencer par changer les habitudes ? Pourtant la résurgence du Vinyle montre que c’est possible.
RMS = « Root Mean Square ». Désigne la Moyenne Quadratique. Le niveau RMS est une application purement mathématique qui représente la moyenne des valeurs d’une fonction par rapport à un paramètre donné dont dépend cette fonction. Pour nous en Audio Pro la fonction considérée est la Forme d’Onde (waveform), c’est-à-dire de l’ensemble des valeurs que la courbe projette en fonction du temps. Ainsi la valeur RMS désigne la moyenne arithmétique de l’amplitude de la forme d’onde qui se propage entre le début du morceau jusqu’à sa fin. Cette moyenne est une valeur assez représentative de l’amplitude réellement perçue par notre appareil auditif qui, dans le cas de formes d’ondes complexes (la musique) ne peut entendre les amplitudes maximales de tous les sons de la forme d’onde.
ITU: International Communication Union ou UIT : Union Internationale des Télécommunications. Basée à Genève (Suisse) c’est l’agence rattachée aux Nations Unies œuvrant pour le développement spécialisé dans les technologies de l’information et de la communication. Entre autre elle établi les normes du secteur des télécommunications.
PCM : le Pulse Code Modulation ou MIC (Modulation par Impulsion et Codage) est le système de codage le + utilisé dans l’audio professionnel. Il permet de convertir un son analogique sous la forme d’une suite d’échantillons espacés à une fréquence bien définie. Le format conteneur le plus rependu est le .wav (Waveform Audio File Format)
Full Scale: le Full Scale représente l’échelle numérique, l’unité est le dBFS. La valeur maximale possible est le « 0 » puisque sur cette échelle toutes les valeurs exprimées sont négatives. Le Full Scale désigne aussi la valeur maximale, c’est à dire le « 0 ».
Le marché des DAC aujourd’hui:
Sur le site grand public Son-Video.com
Sur le site La maison du haut parleur
Sur le site spécialisé HiFi.fr
Dans ces liens il s’agit de dispositifs grand public remplissant uniquement le fonction de conversion du DAC (et de pré amplification) mais il existe aussi des systèmes HiFi « multifonctions » dans lequel un DAC est intégré. Par exemple le cas des amplis intégrés ou de certains lecteurs…
Lossy: l’encodage « Lossy » – contrairement à l’encodage « Lossless » – est une compression de données (data)
qui engendre une perte de la partie audible du signal du format d’origine en contrepartie de l’allégement du poids du fichier. L’exemple le plus courant est le mp3 qui malgré l’arrêt de son développement en 2017 par son créateur l’institut Fraunhofer IIS demeure toujours le format Lossy le plus couramment utilisé.
Limiteur Brickwall: le limiteur de type Brickwall est un outil de traitement permettant d’augmenter le niveau sonore du signal tout en empêchant celui-ci de dépasser un seuil numérique défini par l’utilisateur. Le sueil le plus haut possible étant le 0 absolu ou « Full Scale ». En 1994 la compagnie Waves Ltd lance son Plugin « L1 » qui ouvrira le chapitre de la Guerre des Volumes conjointement à la technologie du Cd-Audio introduit en 1982.
Plugin : le plugin est un programme audionumérique qui s’insert au sein d’un programme Hôte appelé « Station Audionumérique » ou « DAW » (Digital Audio Workstation) par lequel les fichiers audio sont traités: égalisation, compression, niveaux etc…
EBU: European Broadcast Union ou UER. C’est l’Union Européenne de Radio Télévision. Comme l’ITU l’organisation est basée à Genève. En s’appuyant sur les travaux de l’ITU conduits depuis 2006 sur les mesures du Loudness et du True Peak, l’EBU publie en Aout 2010 ses propres recommandations sous le nom EBU R 128 : « Loudness Normalisation and permitted maximum level of Audio Signals ». Elles rentrent en vigueur en 2012. L’EBU réalise des mises à jour régulières en lien avec les versions de l’ITU sur les mesures (ITU BS 1770). La dernière version EBU R 128-5 date de novembre 2023.
Utilisation du Smartphone: selon une étude menée par Qobuz en 2021, 72% des jeunes écoutent de la musique avec uniquement leur Smartphone.